Après la mort de Sofian l'an dernier , sa maman veut connaître la vérité....

Pour la maman de Sofian, « la thèse du malaise arrange tout le monde » 170
Sofian, 6 ans, est décédé peu avant Noël 2010, après une chute dans la cour de l'école Jules-Ferry de Colomiers. Sa maman n'admet pas la thèse du malaise cardiaque, avancée par la mairie et l'Inspection d'académie. Elle envisage une action en justice.

Neuf mois après la mort de votre fils, vous souhaitez témoigner. Pourquoi ?

Il y a dix jours, une petite fille est morte à Angoulême, après une bousculade devant la cantine. Cela a été un déclic. J'ai vécu le même drame. Sofian, mon fils de 6 ans, est décédé le 23 décembre 2010, une semaine après avoir reçu un coup au thorax dans la cour de l'école Jules-Ferry, à Colomiers.

On a expliqué sa mort par un accident cardiaque…

C'est la version officielle, de la mairie et de l'éducation nationale, mais ce n'est pas la vraie. Mon fils était en forme. Il faisait du judo. Chaque année, un médecin délivrait un certificat médical. Et l'autopsie n'a révélé aucun problème cardiaque. J'en ai les preuves. Le neurologue m'a dit que les lésions irréversibles sont dues à un manque d'irrigation du cerveau pendant plus de dix minutes. Mon fils a été pris en charge trop tard, après un mauvais coup.

Comment pouvez-vous l'affirmer ?

Pendant plusieurs mois, j'étais trop abattue pour réagir. J'ai eu des doutes en découvrant les rapports médicaux, après plusieurs mois de démarches. Avec le soutien d'autres parents d'élèves, j'ai mené mon enquête auprès des enfants. Même si ce n'était pas mon rôle…

Que s'est-il passé selon vous ?

C'était le dernier jour avant les vacances, le repas de Noël, mais Sofian a été privé de cantine pour un motif futile. Pourquoi ? Il était dans la cour, avec d'autres enfants. On m'a menti. Les adultes n'ont rien vu. Il y a eu un jeu, une petite dispute pour un bonbon. Et un enfant, à qui je n'en veux pas, a donné un coup à mon fils, au plexus. Sofian est tombé et ne s'est pas relevé. Les autres enfants ont cru qu'il plaisantait. Et puis ils ont été prévenir les adultes. Mon fils est resté sans soins pendant au moins 10 minutes. Le cerveau n'a pas été oxygéné. Lors d'une heure et demie d'efforts, les sauveteurs ont réussi à faire repartir le cœur, mais il y avait des lésions irréversibles au cerveau, à 90 %… J'ai vécu sept jours de cauchemar. Je voulais juste sauver mon fils. Je gardais espoir, le cœur battait… Il est parti la veille de Noël.

Que comptez-vous faire ?

J'ignorais que l'école est un endroit dangereux. Je veux la vérité, savoir ce qui s'est passé. Savoir pourquoi mon fils est mort. Savoir pourquoi Sofian est parti à l'école avec le sourire, et qu'il n'en est jamais revenu. Savoir qui est responsable une fois que notre enfant est dans l'école. L'Éducation nationale ? La mairie, car c'était pendant la pause de midi ? Je veux que chacun assume ses responsabilités. Je me heurte à un mur. Son papa et moi envisageons d'intenter une action en justice, un dépôt de plainte, une requête auprès du procureur… La thèse du malaise arrange tout le monde. Quand je suis arrivée à l'école auprès de la cellule de crise, une vingtaine de personnes faisait bloc, tenait le même discours. Tout était verrouillé.

Est-ce un problème d'effectif ?

C'est surtout un problème de vigilance. Pendant les premiers mois, à l'école, ils faisaient très attention. Et puis, on a vite oublié Sofian. Les enfants sont livrés à eux-mêmes dans une cour qui a plein de recoins. Les surveillants n'ont pas tous de brevet de secourisme. Je suis prête au combat. Je ne veux pas que ces enfants soient partis pour rien. Ces drames peuvent être évités par la prise de conscience et la sensibilisation. Il faudrait agir ensemble pour protéger nos bambins

Ce qu'ont dit les médecins
Nous avons pu consulter les rapports des médecins. Le responsable du séjour de Sofian à Purpan évoque un « scanner cardiaque » qui « montre l'absence d'anomalie coronaire et l'absence d'anomalie myocardique spécifique » après « une anatomie cardiaque jugée normale à l'échographie réalisée lors de l'arrivée à l'hôpital ». Le rapport d'autopsie, qui analyse bien « une mort subite à l'école après une altercation avec un camarade » conclut à un « aspect histologique surprenant, devant faire dédouaner la préexistence d'une cardiomyopathie ».


La mairie et l'école ont la conscience tranquille
« Je comprends le traumatisme de la famille, mais au moment du drame, tout semble avoir été mis en œuvre pour tenter de sauver l'enfant, à la fois par la direction de l'école et par la mairie, puisque c'était le temps de midi, donc du CLAE (Centre de loisirs associé à l'école). Il y a eu des premiers secours en attendant le SMUR. Il y a eu une suite une cellule de crise commune, pour répondre aux préoccupations des familles, des parents, des enseignants, du personnel du CLAE » indique Frédéric Lombardo. Même s'il évoque « a priori un jeu de cour », l'inspecteur de l'éducation nationale de la circonscription de Colomiers s'en tient à la thèse du malaise : « L'enquête de police a, a priori, levé les doutes sur la responsabilité de la mairie et de l'école, aucune violence n'est avérée. Aucun élément probant sur un coup porté par un enfant à Sofian n'a été attesté par un adulte ».

« Nous n'avons pas de commentaire officiel à faire. S'il y a une action judiciaire, nous aviserons » indique Arnaud Simion, directeur de cabinet du maire de Colomiers, qui comprend la colère des parents de Sofian : « C'est impensable de voir son enfant mourir à l'école. Et insupportable de ne pas avoir de réponse sur les causes du décès. Les parents veulent aussi dénoncer les carences de l'État, interpeller le s pouvoirs publics. Est-il normal qu'un enseignant se retrouve avec 32 élèves, sans avoir de formation à ce type de problèmes ? ». La mairie indique par ailleurs « ne cesser d'accompagner la famille, dans la plus grande discrétion ».