Installation des studios de cinéma Raleigh à Cugnaux....
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Installation des studios de cinéma Raleigh à Cugnaux....
Les annonces officielles se succèdent au sujet de l’installation des studios de cinéma Raleigh à Cugnaux. L’Etat a donné son feu vert et Bruno Granja, architecte et porteur du projet, se montre confiant. Dans la profession, certains se disent « stupéfiés » que le projet semble aboutir et n’ont pas de mots assez durs pour démonter un projet « sans queue ni tête ».
A en croire les dernières annonces relatives à l’installation des studios Raleigh sur l’ancienne base militaire de Francazal, la tentation est grande de dire « Elle est bonne, c’est dans la boîte ». Jeudi 12 avril, l’Etat accordait son feu vert, confirmant ainsi la « crédibilité du projet ». Bruno Granja, architecte et porteur du projet, évoque 5000 emplois directs et 5000 autres indirects, potentiellement générés par la création des studios à Cugnaux. Les acteurs sont en place, le scénario est bien ficelé. Silence, ça tourne.
« Il n’y a pas un seul argument fondé derrière tout ça. Le projet n’a aucune chance d’aboutir.»
Par son ampleur et ses promesses, la création d’un « Hollywood-sur-Garonne » représenterait une véritable poule aux œufs d’or pour Toulouse, qui se voit déjà en capitale européenne du septième art. Les investisseurs potentiels ne sont pas encore connus, non plus que le montant total du projet, mais les estimations varient entre 100 et 150 millions d’euros. « On devrait être ravis qu’une telle somme soit investie en France. Malheureusement, il n’y a pas un seul argument fondé derrière tout ça. Le projet n’a aucune chance d’aboutir.» La douche froide est administrée par Thierry de Segonzac, président de la Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia (FICAM). Cette organisation syndicale patronale regroupe plus de 170 entreprises.
Un projet jugé irréaliste
« De qui se moque-t-on ? Comment peut-on se mobiliser au plus haut niveau de l’Etat pour un projet aussi improbable ? », s’interroge-t-il. Point par point, il oppose à ce projet « saugrenu » une analyse sans concession. Selon lui, aucune chance que des producteurs étrangers décident de venir tourner dans des studios toulousains : « le coût du travail et les charges sociales sont beaucoup plus élevés en France qu’ailleurs, et parallèlement, les incitations fiscales à l’industrie du cinéma sont plus basses que partout en Europe. Rien qu’en Belgique, elles sont deux fois plus fortes. » Sans compter la « grosse distorsion concurrentielle avec les pays de l’Est ». Réaliser un film en France revient donc beaucoup plus cher qu’en Hongrie par exemple, où les studios Raleigh sont d’ailleurs installés depuis 2009.
Sur les 60 plateaux de tournage qui existent en France, une trentaine est affectée à l’activité cinématographique. Et seulement la moitié d’entre eux sont occupés ; les infrastructures françaises sont donc pour lui largement sous-exploitées. En d’autres termes, « il faudrait 50% de production en plus pour atteindre l’équilibre », selon le président de la FICAM. La volonté de Bruno Granja, que « personne dans la profession ne connaît », d’ouvrir 16 plateaux supplémentaires lui paraît donc surréaliste. «On marche sur la tête ! En plus il veut les ouvrir à Toulouse, alors que le métier est particulièrement centralisé à Paris. La majorité des gens qui travaillent dans cette industrie sont des intermittents ! Ils vivent là où il y a du travail, c’est-à-dire à Paris. »
Balayée, la mirobolante promesse d’emplois. D’autant plus que certains métiers du cinéma fonctionnent sur le système du compagnonnage et nécessitent un apprentissage long : « au moins dix ans, selon Thierry de Segonzac. En attendant, il faudra donc faire venir des techniciens de Paris ». Il en veut pour preuve les studios de Marseille qui, dix ans après leur installation, n’emploient « que quelques centaines de techniciens implantés dans la région ». Du côté des promoteurs, on estime que le premier tournage pourrait avoir lieu dès 2014.
« Soit l’étude de marché a été faite en dépit du bon sens, soit ils lui font dire ce qu’ils veulent »
Une structure « incompatible » avec le cinéma français
Pourtant, la France est unanimement reconnue pour son savoir-faire technique, et c’est assurément un des arguments les plus porteurs du projet de Francazal. Mais pour Thierry de Segonzac, les dimensions colossales du projet ne parviennent pas à masquer une certaine ignorance de l’histoire et des logiques de l’industrie du cinéma français. « Avec la Nouvelle Vague, les films sont sortis des plateaux et n’y sont jamais retourné. Depuis dix ans, il y a environ trois films français qui sont intégralement tournés en studio chaque année. Et c’est pareil pour les films européens. »
Si la France attire autant de cinéastes étrangers, c’est surtout pour ses décors naturels et son patrimoine, et l’atmosphère qu’ils permettent de restituer : « les étrangers, comme Woody Allen pour « Midnight In Paris », ne viennent en France que pour des raisons de tournage en extérieur. Or, Midi-Pyrénées a déjà tout en termes de paysage et de patrimoine. Si des réalisateurs étrangers viennent, ce n’est pas pour trouver un studio qui existe à Paris… » Or, les studios Raleigh s’implanteraient sur une base militaire dont une large partie restera destinée à l’aviation d’affaires. Selon Thierry de Segonzac, le tournage sur le site – qu’il soit en intérieur ou en extérieur – est donc exclu, pour des raisons sonores : « vu l’orientation de la piste, les décollages et les atterrissages se feront presque sur le toit des studios ! »
Entre incrédulité et inquiétudes
A l’en croire, le besoin pour la création de nouveaux studios de cinéma en France est donc inexistant. Surtout au moment où l’ambitieuse Cité du Cinéma, imaginée par Luc Besson, s’apprête à ouvrir ses portes en Seine-Saint-Denis. « Soit l’étude de marché a été faite en dépit du bon sens, soit ils lui font dire ce qu’ils veulent. Je vois mal les américains mettre cinq, dix voire quinze millions d’euros dans un projet qui n’a pas d’étude de marché digne de ce nom. »
Contactés, les studios Raleigh affirment avoir « été engagés pour mener une étude de faisabilité sur l’ouverture d’un studio à Toulouse ». Ils avancent comme argument « l’histoire de la production de films en France, significative et fière », qu’ils jugent « très positive, et nous sommes encouragés par la façon dont elle continue de se développer. » Ils précisent par ailleurs que le projet toulousain comprendra une forte « composante tourisme et divertissement » et « emploiera en priorité des résidents français ».
« Les élus locaux vont s’impliquer et investir dans ce projet pendant deux ans, et puis ils vont se planter et ils n’investiront plus jamais dans un projet de cinéma…
Des professionnels agacés de ne pas avoir été consultés ?
Thierry de Segonzac, qui « ne peu[t] même pas imaginer que le projet voie le jour », n’en demeure pas moins inquiet. « Je ne veux pas que la filière technique française soit entachée dans sa crédibilité et sa réputation par l’action de quelques cow-boys. Les élus locaux vont s’impliquer et investir dans ce projet pendant deux ans, et puis ils vont se planter et ils n’investiront plus jamais dans un projet de cinéma… »
Tout comme l’Association des Producteurs de Cinéma (APC), la FICAM n’a pas été contactée dans ce dossier. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC, se veut plus prudent mais partage de nombreuses interrogations soulevées par la FICAM : « quels sont le soutien et la stratégie de Raleigh au niveau européen ? Vont-ils dépenser beaucoup d’argent pendant une longue période sur ce projet ? Le risque, c’est que l’infrastructure fonctionne de façon non-rentable et mette en danger les investisseurs en France. »
Des détails techniques et économiques essentiels qui n’ont pas été portés à la connaissance des professionnels français. D’où l’interrogation de Thierry de Segonzac : «comment les élus, la région, le département, le conseil économique et social n’ont-ils pas posé aux professionnels les questions les plus élémentaires ? ».
En attendant le clap de fin, le happy end tant annoncé tarde à se dessiner. Mais n’est-ce pas là le propre de tout bon scénario hollywoodien ?
Source : Carré d'Info
A en croire les dernières annonces relatives à l’installation des studios Raleigh sur l’ancienne base militaire de Francazal, la tentation est grande de dire « Elle est bonne, c’est dans la boîte ». Jeudi 12 avril, l’Etat accordait son feu vert, confirmant ainsi la « crédibilité du projet ». Bruno Granja, architecte et porteur du projet, évoque 5000 emplois directs et 5000 autres indirects, potentiellement générés par la création des studios à Cugnaux. Les acteurs sont en place, le scénario est bien ficelé. Silence, ça tourne.
« Il n’y a pas un seul argument fondé derrière tout ça. Le projet n’a aucune chance d’aboutir.»
Par son ampleur et ses promesses, la création d’un « Hollywood-sur-Garonne » représenterait une véritable poule aux œufs d’or pour Toulouse, qui se voit déjà en capitale européenne du septième art. Les investisseurs potentiels ne sont pas encore connus, non plus que le montant total du projet, mais les estimations varient entre 100 et 150 millions d’euros. « On devrait être ravis qu’une telle somme soit investie en France. Malheureusement, il n’y a pas un seul argument fondé derrière tout ça. Le projet n’a aucune chance d’aboutir.» La douche froide est administrée par Thierry de Segonzac, président de la Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia (FICAM). Cette organisation syndicale patronale regroupe plus de 170 entreprises.
Un projet jugé irréaliste
« De qui se moque-t-on ? Comment peut-on se mobiliser au plus haut niveau de l’Etat pour un projet aussi improbable ? », s’interroge-t-il. Point par point, il oppose à ce projet « saugrenu » une analyse sans concession. Selon lui, aucune chance que des producteurs étrangers décident de venir tourner dans des studios toulousains : « le coût du travail et les charges sociales sont beaucoup plus élevés en France qu’ailleurs, et parallèlement, les incitations fiscales à l’industrie du cinéma sont plus basses que partout en Europe. Rien qu’en Belgique, elles sont deux fois plus fortes. » Sans compter la « grosse distorsion concurrentielle avec les pays de l’Est ». Réaliser un film en France revient donc beaucoup plus cher qu’en Hongrie par exemple, où les studios Raleigh sont d’ailleurs installés depuis 2009.
Sur les 60 plateaux de tournage qui existent en France, une trentaine est affectée à l’activité cinématographique. Et seulement la moitié d’entre eux sont occupés ; les infrastructures françaises sont donc pour lui largement sous-exploitées. En d’autres termes, « il faudrait 50% de production en plus pour atteindre l’équilibre », selon le président de la FICAM. La volonté de Bruno Granja, que « personne dans la profession ne connaît », d’ouvrir 16 plateaux supplémentaires lui paraît donc surréaliste. «On marche sur la tête ! En plus il veut les ouvrir à Toulouse, alors que le métier est particulièrement centralisé à Paris. La majorité des gens qui travaillent dans cette industrie sont des intermittents ! Ils vivent là où il y a du travail, c’est-à-dire à Paris. »
Balayée, la mirobolante promesse d’emplois. D’autant plus que certains métiers du cinéma fonctionnent sur le système du compagnonnage et nécessitent un apprentissage long : « au moins dix ans, selon Thierry de Segonzac. En attendant, il faudra donc faire venir des techniciens de Paris ». Il en veut pour preuve les studios de Marseille qui, dix ans après leur installation, n’emploient « que quelques centaines de techniciens implantés dans la région ». Du côté des promoteurs, on estime que le premier tournage pourrait avoir lieu dès 2014.
« Soit l’étude de marché a été faite en dépit du bon sens, soit ils lui font dire ce qu’ils veulent »
Une structure « incompatible » avec le cinéma français
Pourtant, la France est unanimement reconnue pour son savoir-faire technique, et c’est assurément un des arguments les plus porteurs du projet de Francazal. Mais pour Thierry de Segonzac, les dimensions colossales du projet ne parviennent pas à masquer une certaine ignorance de l’histoire et des logiques de l’industrie du cinéma français. « Avec la Nouvelle Vague, les films sont sortis des plateaux et n’y sont jamais retourné. Depuis dix ans, il y a environ trois films français qui sont intégralement tournés en studio chaque année. Et c’est pareil pour les films européens. »
Si la France attire autant de cinéastes étrangers, c’est surtout pour ses décors naturels et son patrimoine, et l’atmosphère qu’ils permettent de restituer : « les étrangers, comme Woody Allen pour « Midnight In Paris », ne viennent en France que pour des raisons de tournage en extérieur. Or, Midi-Pyrénées a déjà tout en termes de paysage et de patrimoine. Si des réalisateurs étrangers viennent, ce n’est pas pour trouver un studio qui existe à Paris… » Or, les studios Raleigh s’implanteraient sur une base militaire dont une large partie restera destinée à l’aviation d’affaires. Selon Thierry de Segonzac, le tournage sur le site – qu’il soit en intérieur ou en extérieur – est donc exclu, pour des raisons sonores : « vu l’orientation de la piste, les décollages et les atterrissages se feront presque sur le toit des studios ! »
Entre incrédulité et inquiétudes
A l’en croire, le besoin pour la création de nouveaux studios de cinéma en France est donc inexistant. Surtout au moment où l’ambitieuse Cité du Cinéma, imaginée par Luc Besson, s’apprête à ouvrir ses portes en Seine-Saint-Denis. « Soit l’étude de marché a été faite en dépit du bon sens, soit ils lui font dire ce qu’ils veulent. Je vois mal les américains mettre cinq, dix voire quinze millions d’euros dans un projet qui n’a pas d’étude de marché digne de ce nom. »
Contactés, les studios Raleigh affirment avoir « été engagés pour mener une étude de faisabilité sur l’ouverture d’un studio à Toulouse ». Ils avancent comme argument « l’histoire de la production de films en France, significative et fière », qu’ils jugent « très positive, et nous sommes encouragés par la façon dont elle continue de se développer. » Ils précisent par ailleurs que le projet toulousain comprendra une forte « composante tourisme et divertissement » et « emploiera en priorité des résidents français ».
« Les élus locaux vont s’impliquer et investir dans ce projet pendant deux ans, et puis ils vont se planter et ils n’investiront plus jamais dans un projet de cinéma…
Des professionnels agacés de ne pas avoir été consultés ?
Thierry de Segonzac, qui « ne peu[t] même pas imaginer que le projet voie le jour », n’en demeure pas moins inquiet. « Je ne veux pas que la filière technique française soit entachée dans sa crédibilité et sa réputation par l’action de quelques cow-boys. Les élus locaux vont s’impliquer et investir dans ce projet pendant deux ans, et puis ils vont se planter et ils n’investiront plus jamais dans un projet de cinéma… »
Tout comme l’Association des Producteurs de Cinéma (APC), la FICAM n’a pas été contactée dans ce dossier. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC, se veut plus prudent mais partage de nombreuses interrogations soulevées par la FICAM : « quels sont le soutien et la stratégie de Raleigh au niveau européen ? Vont-ils dépenser beaucoup d’argent pendant une longue période sur ce projet ? Le risque, c’est que l’infrastructure fonctionne de façon non-rentable et mette en danger les investisseurs en France. »
Des détails techniques et économiques essentiels qui n’ont pas été portés à la connaissance des professionnels français. D’où l’interrogation de Thierry de Segonzac : «comment les élus, la région, le département, le conseil économique et social n’ont-ils pas posé aux professionnels les questions les plus élémentaires ? ».
En attendant le clap de fin, le happy end tant annoncé tarde à se dessiner. Mais n’est-ce pas là le propre de tout bon scénario hollywoodien ?
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