Rachel Corenblit
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Rachel Corenblit
Le P'tit Col'Porteur remet en ligne un reportage accordé à Rachel CORENBLIT, auteur de plusieurs ouvrages, qui habite Colomiers..... reportage qui avait disparu du forum.....
LPC : Bonjour Rachel… Le P’tit Col’Porteur vous rencontre aujourd’hui dans le cadre de la Journée du Livre. Vous résidez à Colomiers et êtes l’auteure de plusieurs ouvrages destinés aux jeunes adolescents . Qu’est-ce qui vous a donné cette envie d’écrire ?
RC : Peut-être ma formation initiale puisque j’ai une maîtrise de philo mais aussi le fait d’avoir baigné dans une famille où le livre et l’écriture avaient une grande place. Ma grand-mère avait une bibliothèque énorme. C’était LE livre, LA culture..Elle me disait souvent
« ta richesse, ce sont tes livres… » A sa mort, elle m’a légué tous ses livres en me demandant d’en prendre grand soin.
LPC : Le livre a donc une place très importante dans la famille.
RC : Oui, depuis le départ. Et puis ma grand-mère et ma mère me destinaient toutes deux à l’écriture. J’ai été élevée dans ce « vivier ». Elles me disaient « Tu écriras ». C’était comme une évidence pour elles.
LPC : Elles avaient donc tracé déjà votre route. Etait-ce aussi une façon de réaliser à travers vous, quelque chose qu’elles n’avaient pas mené de façon personnelle ?
RC : Je pense.
LPC : Ce sont elles qui vous ont donné ce goût et cette envie d’écrire.
RC : Je dirai même qu’elles me l’ont imposé.
LPC : On n'écrit pas des livres sous la contrainte, il faut quand même une inspiration...Vous avez commencé à écrire par qu'on vous le dictait ou bien par goût ?
RC : Réellement, je pense que c'était ma destinée. J'ai toujours écrit.
Dans l'écriture il y a de étapes. On écrit d'abord pour soi, pour se rassurer, pour le plaisir, pour faire sonner les choses et puis il y a un moment où l'on écrit pour les autres . On rentre alors dans une dimension plus artistique dans le sens où, quand on introtuit l'autre dans la création, cela devient davantage de l'art. C'est une dimension loin de l'égo. L'art, c'est partir de l'ego, s'en détacher.
Beaucoup plus tard, j'ai fait un cheminement qui m'a permis d'arriver à être publiée.
LPC : Cela veut dire que vous avez commencé par écrire dans des petits cahiers, comme chacun le fait, enfant ? Les petits cahiers intimes dans lesquels on livre ses petits secrets ?
RC : Tout à fait..des poèmes aussi.
LPC : J'ai aussi connu ça, enfant. J'en ai gardé d'ailleurs quelques-uns.
RC : Mais il faut les garder, c'est une trace. C'est important, c'est une marque. Le poème est réellement une façon de partir de soi et s'en éloigner, plus immédiate que ne l'est l'écriture.
LPC : Vous avez choisi d'écrire pour les ados...
RC : Je ne pense pas avoir "choisi". Le texte s'est imposé de lui-même. J'ai écrit beaucoup de choses que j'ai envoyé à des éditgeurs mais ce n'était pas vraiment bien...
LPC : Vous êtes dures avec vous-mêmes.
RC : Non, je ne crois pas. J'ai longtemps cherché à insérer autrui dans mes textes sans réellement y parvenir. Il y a des gens qui ont cette maturité, cette distance. Et en fait, j'ai eu un "déclic" après avoir participé, avec ma classe, à un projet avec le Théâtre TNT " Pièces à lire, pièces à entendre". Ce projet consiste à lire des pièces de théâtre d'auteurs contemporains qu'on rencontre. L'écriture de Théatre contemporain est d'une vivacité incroyable et le fait de rencontrer ces auteurs et d'échanger sur la création m'a nourrit de façon incroyable. J'ai ensuite fait uns tage d'écriture avec Philippe Dorin, qui m'a dit "Ecrire, c'est effacer...Sur 50 pages, tu en effaces 25..."
C'est comme de la sculpture. Et je l'ai compris, à ce moment là. Ecrire c'est effacer, c'est à dire, renoncer au plaisir de faire sonner et être uniquement dans du sens, donc enlever. Ne pas être dans l'explicatif, le démonstratif. Ce que Philippe Dorin voulait dire c'est ; laisser la place à autrui, effacer, c'est effacer des mots et donc s'effacer soi même.
LPC : Est-ce que vous pouvez nous parler de votre premier livre : Shalom Salam ?
RC : Je l’ai écrit en 20 jours seulement.
LPC : L’histoire était déjà en vous.
RC : C’est une évidence. C’était en 2006 : la guerre du Liban. Je suis juive, ma mère est israélienne et mon fils qui avait 9 ans, à l’époque, regarde les images à la télévision et me dit : « Maman, mais les juifs c’est des salauds… » Choc…Comment lui expliquer, comment ne pas prendre partie ? Israël est quelque chose d’ancré en nous mais en même temps on peut aussi avoir des opinions. Comment lui transmettre tout ça ? Le livre s’est donc imposé de lui-même. Je l’ai écrit, d’une seule traite, en 20 jours. C’était comme une sorte de transe. J’avais le texte en moi, je pense. En tout cas, c’était de la maturation.
LPC : C’était le subconscient qui travaillait pour vous.
RC. : Oui, énormément. C’est vrai que je me suis inspirée de l’histoire de mes propres parents mais j’ai su aussi m’en éloigner puisque je parle d’enfants arabes. Ca a été un moment extraordinaire et ça peut paraître prétentieux mais en l’écrivant, je me disais « Il va être publié ».....
A suivre....[center]
LPC : Bonjour Rachel… Le P’tit Col’Porteur vous rencontre aujourd’hui dans le cadre de la Journée du Livre. Vous résidez à Colomiers et êtes l’auteure de plusieurs ouvrages destinés aux jeunes adolescents . Qu’est-ce qui vous a donné cette envie d’écrire ?
RC : Peut-être ma formation initiale puisque j’ai une maîtrise de philo mais aussi le fait d’avoir baigné dans une famille où le livre et l’écriture avaient une grande place. Ma grand-mère avait une bibliothèque énorme. C’était LE livre, LA culture..Elle me disait souvent
« ta richesse, ce sont tes livres… » A sa mort, elle m’a légué tous ses livres en me demandant d’en prendre grand soin.
LPC : Le livre a donc une place très importante dans la famille.
RC : Oui, depuis le départ. Et puis ma grand-mère et ma mère me destinaient toutes deux à l’écriture. J’ai été élevée dans ce « vivier ». Elles me disaient « Tu écriras ». C’était comme une évidence pour elles.
LPC : Elles avaient donc tracé déjà votre route. Etait-ce aussi une façon de réaliser à travers vous, quelque chose qu’elles n’avaient pas mené de façon personnelle ?
RC : Je pense.
LPC : Ce sont elles qui vous ont donné ce goût et cette envie d’écrire.
RC : Je dirai même qu’elles me l’ont imposé.
LPC : On n'écrit pas des livres sous la contrainte, il faut quand même une inspiration...Vous avez commencé à écrire par qu'on vous le dictait ou bien par goût ?
RC : Réellement, je pense que c'était ma destinée. J'ai toujours écrit.
Dans l'écriture il y a de étapes. On écrit d'abord pour soi, pour se rassurer, pour le plaisir, pour faire sonner les choses et puis il y a un moment où l'on écrit pour les autres . On rentre alors dans une dimension plus artistique dans le sens où, quand on introtuit l'autre dans la création, cela devient davantage de l'art. C'est une dimension loin de l'égo. L'art, c'est partir de l'ego, s'en détacher.
Beaucoup plus tard, j'ai fait un cheminement qui m'a permis d'arriver à être publiée.
LPC : Cela veut dire que vous avez commencé par écrire dans des petits cahiers, comme chacun le fait, enfant ? Les petits cahiers intimes dans lesquels on livre ses petits secrets ?
RC : Tout à fait..des poèmes aussi.
LPC : J'ai aussi connu ça, enfant. J'en ai gardé d'ailleurs quelques-uns.
RC : Mais il faut les garder, c'est une trace. C'est important, c'est une marque. Le poème est réellement une façon de partir de soi et s'en éloigner, plus immédiate que ne l'est l'écriture.
LPC : Vous avez choisi d'écrire pour les ados...
RC : Je ne pense pas avoir "choisi". Le texte s'est imposé de lui-même. J'ai écrit beaucoup de choses que j'ai envoyé à des éditgeurs mais ce n'était pas vraiment bien...
LPC : Vous êtes dures avec vous-mêmes.
RC : Non, je ne crois pas. J'ai longtemps cherché à insérer autrui dans mes textes sans réellement y parvenir. Il y a des gens qui ont cette maturité, cette distance. Et en fait, j'ai eu un "déclic" après avoir participé, avec ma classe, à un projet avec le Théâtre TNT " Pièces à lire, pièces à entendre". Ce projet consiste à lire des pièces de théâtre d'auteurs contemporains qu'on rencontre. L'écriture de Théatre contemporain est d'une vivacité incroyable et le fait de rencontrer ces auteurs et d'échanger sur la création m'a nourrit de façon incroyable. J'ai ensuite fait uns tage d'écriture avec Philippe Dorin, qui m'a dit "Ecrire, c'est effacer...Sur 50 pages, tu en effaces 25..."
C'est comme de la sculpture. Et je l'ai compris, à ce moment là. Ecrire c'est effacer, c'est à dire, renoncer au plaisir de faire sonner et être uniquement dans du sens, donc enlever. Ne pas être dans l'explicatif, le démonstratif. Ce que Philippe Dorin voulait dire c'est ; laisser la place à autrui, effacer, c'est effacer des mots et donc s'effacer soi même.
LPC : Est-ce que vous pouvez nous parler de votre premier livre : Shalom Salam ?
RC : Je l’ai écrit en 20 jours seulement.
LPC : L’histoire était déjà en vous.
RC : C’est une évidence. C’était en 2006 : la guerre du Liban. Je suis juive, ma mère est israélienne et mon fils qui avait 9 ans, à l’époque, regarde les images à la télévision et me dit : « Maman, mais les juifs c’est des salauds… » Choc…Comment lui expliquer, comment ne pas prendre partie ? Israël est quelque chose d’ancré en nous mais en même temps on peut aussi avoir des opinions. Comment lui transmettre tout ça ? Le livre s’est donc imposé de lui-même. Je l’ai écrit, d’une seule traite, en 20 jours. C’était comme une sorte de transe. J’avais le texte en moi, je pense. En tout cas, c’était de la maturation.
LPC : C’était le subconscient qui travaillait pour vous.
RC. : Oui, énormément. C’est vrai que je me suis inspirée de l’histoire de mes propres parents mais j’ai su aussi m’en éloigner puisque je parle d’enfants arabes. Ca a été un moment extraordinaire et ça peut paraître prétentieux mais en l’écrivant, je me disais « Il va être publié ».....
A suivre....[center]
Dernière édition par Admin le Mar 30 Juin - 19:16, édité 1 fois
Re: Rachel Corenblit
suite...
LPC : Il répondait à une nécessité : celle de pouvoir répondre à votre fils, de façon claire.
RC : Oui, c'était en terme de clarté et en terme de sens. Les choses que j'écrivais prenaient du sens ancré au fond de ma nécessité. Vous parliez de nécessité, c'est tout à fait ça.
J'ai donc envoyé ce manuscrit à 4 éditeurs - des éditeurs de jeunesse puisque les personnages principaux étaient des jeunes. Une semaine après, je recevais un mail des Editions de Rouergue qui me signalait que mon livre les intéressait.
LPC : Quelle bonne nouvelle..
RC : Oui un rêve qui se concrétise.
LPC : Est-ce que cela veut dire que votre fils l'a lu ?
RC : Non. Il a du mal à lire ce que j'écris. Il a peur de rentrer dans mon intimité, ça le déragne.
LPC : En même temps, il faut lui laisser le temps. Il y viendra tout seul.
Vous avez aussi écrit "L'Amour vache" qui met en scène 8 ados...
RC : Tout à fait. Ce sont des situations vécues par des ados. Ce sont des nouvelles.
Par le biais d'un site Internet "Bonnes Nouvelles" qui répertorie des nouvelles d'auteurs différents, en France, on peut participer à des concours gratuits pour évaluer le travail qu'on fait. C'est là, une occasion d'être jugée par les autres. J'ai donc envoyé deux nouvelles qui ont gagné des prix et c'est ce qui m'a mis en confiance. Ces deux nouvelles ont été publiées dans l"Amour vache".
LPC : Ensuite, il y a eu une pièce...
RC : Oui. "Le Prince Hip de Réalité". L'idée était de faire une histoire de paroles sur une petite fille qui ne voulait pas parler. Il y a tellement d'enfants qui sont dans ce cas..qui ne parlent pas...qui s'enferment... Comment est-ce que l'on peut arriver à les faire parler ? J'ai alors essayé de dédramatiser en créant une Fée, une fleur dépressive...
LPC : Cette pièce n'a jamais été mise en scène ?
RC : Non, je n'ai pas pris le temps de m'en occuper.
Ensuite, il y a eu "18 baisers" qui suscite des réactions un peu violtents. C'est l'histoire d'un garçon qui fait une tentative de suicide mais qui n'y arrive pas. C'est ce suicide vu par les femmes qui l'entourent, plus ou moins proches.
Demain, je rencontre une classe de seconde et je vais voir comment ils l'ont perçu. La situation n'est pas vraiment évidente tout comme mon langage, parfois.
LPC : Il est assez percutant, oui. Vous employez des mots...
RC : Je ne pense pas être vulgaire. C'est vrai que de temps en temps, j'emploie des gros mots mais comme je dis aux élèves de ma classe : " Quand on emploie un gros mot en littérature, c'est que le mot a sa place, sa signification, qu'il est nécessaire". La littérature doit susciter aussi des réactions. Elle ne peut pas laisser indifférent. L'indifférence, c'est le pire !!
A suivre....
LPC : Il répondait à une nécessité : celle de pouvoir répondre à votre fils, de façon claire.
RC : Oui, c'était en terme de clarté et en terme de sens. Les choses que j'écrivais prenaient du sens ancré au fond de ma nécessité. Vous parliez de nécessité, c'est tout à fait ça.
J'ai donc envoyé ce manuscrit à 4 éditeurs - des éditeurs de jeunesse puisque les personnages principaux étaient des jeunes. Une semaine après, je recevais un mail des Editions de Rouergue qui me signalait que mon livre les intéressait.
LPC : Quelle bonne nouvelle..
RC : Oui un rêve qui se concrétise.
LPC : Est-ce que cela veut dire que votre fils l'a lu ?
RC : Non. Il a du mal à lire ce que j'écris. Il a peur de rentrer dans mon intimité, ça le déragne.
LPC : En même temps, il faut lui laisser le temps. Il y viendra tout seul.
Vous avez aussi écrit "L'Amour vache" qui met en scène 8 ados...
RC : Tout à fait. Ce sont des situations vécues par des ados. Ce sont des nouvelles.
Par le biais d'un site Internet "Bonnes Nouvelles" qui répertorie des nouvelles d'auteurs différents, en France, on peut participer à des concours gratuits pour évaluer le travail qu'on fait. C'est là, une occasion d'être jugée par les autres. J'ai donc envoyé deux nouvelles qui ont gagné des prix et c'est ce qui m'a mis en confiance. Ces deux nouvelles ont été publiées dans l"Amour vache".
LPC : Ensuite, il y a eu une pièce...
RC : Oui. "Le Prince Hip de Réalité". L'idée était de faire une histoire de paroles sur une petite fille qui ne voulait pas parler. Il y a tellement d'enfants qui sont dans ce cas..qui ne parlent pas...qui s'enferment... Comment est-ce que l'on peut arriver à les faire parler ? J'ai alors essayé de dédramatiser en créant une Fée, une fleur dépressive...
LPC : Cette pièce n'a jamais été mise en scène ?
RC : Non, je n'ai pas pris le temps de m'en occuper.
Ensuite, il y a eu "18 baisers" qui suscite des réactions un peu violtents. C'est l'histoire d'un garçon qui fait une tentative de suicide mais qui n'y arrive pas. C'est ce suicide vu par les femmes qui l'entourent, plus ou moins proches.
Demain, je rencontre une classe de seconde et je vais voir comment ils l'ont perçu. La situation n'est pas vraiment évidente tout comme mon langage, parfois.
LPC : Il est assez percutant, oui. Vous employez des mots...
RC : Je ne pense pas être vulgaire. C'est vrai que de temps en temps, j'emploie des gros mots mais comme je dis aux élèves de ma classe : " Quand on emploie un gros mot en littérature, c'est que le mot a sa place, sa signification, qu'il est nécessaire". La littérature doit susciter aussi des réactions. Elle ne peut pas laisser indifférent. L'indifférence, c'est le pire !!
A suivre....
Dernière édition par Admin le Mar 30 Juin - 19:19, édité 1 fois
Re: Rachel Corenblit
Suite et fin
LPC : Pouvez-vous nous parler de vos ouvrages qui sortiront au mois d'octobre prochain ?
RC : « Le métier de papa ». C’est l’histoire d’un petit garçon dont le papa est en prison parce qu’il a volé…Il ne sait pas trop…Il n’en parle pas et puis il est déçu de son père. Il ne sait plus comment aimer son père parce qu’il a chu dans son estime. Il ne peut plus l’aimer. Ce livre raconte comment il va apprendre à aimer à nouveau son père, grâce au père d’une amie, Magnolia, en référence à son père qui est un sosie de Claude François. Il gagne sa vie, grâce à ça.
« Un petit bout d’enfer ». Un roman noir. Un homme de 50 ans disjoncte et enlève une jeune fille de 14 ans. Il l’amène dans la montagne noire. Comment va-t-elle s’en sortir ? Comment est-ce qu’on peut se sortir d’une telle situation à 14 ans ?
LPC : Dans vos ouvrages, vous ne laissez pas trop de place au père..Il est soit absent, soit malade, soit mourant. Est-ce que vous l’occultez volontairement ?
RC : Je ne pense pas que seul, le père, soit « absent » ou « défaillant ». Dans Shalom Salam, il est présent.
LPC : Il n’est pas mis en avant, en tout cas.
RC : Malade, mourant, oui…c’est dans une des nouvelles . Mais on peut dire ça aussi de la mère, notamment dans l’Amour vache…elle oublie sa fille à l’école. Je pense que quand on a cet âge là, on s’aperçoit que ses parents ne sont pas des héros, et grandir c’est ça : « savoir accepter la faillibilité de ses parents. Cette constatation est aussi présent dans mon dernier livre « Le métier de papa ». Il apprend à accepter la faille. C’est le plus grand acte chez un enfant : passer outre la faille.
LPC : Vous abordez aussi des thèmes comme le suicide ou l’isolement affectif, les troubles psychologiques…c’est peut-être dû à votre formation ?
RC : C’est vrai qu’à l’école on rencontre beaucoup de situations douloureuses et je m’en suis nourrie…
LPE : Quand vous êtes lancées dans l’écriture d’une histoire, est-ce que vous prenez des avis ? Est-ce que vous vous laissez inflencer ?
RC : Non. C’est « mon bébé ». Mais quand le livre est terminé, je le soumets à deux amis qui vont le lire et leurs avis vont m’importer énormément. Mais je ne modifierai pas forcément. C’est Ma sculpture.
LPC : Une fois qu’ils vous ont donné leur avis, vous ne touchez plus le texte ?
RC : Si, les phrases ou le texte qui ne sont pas clairs, je peux améliorer mais la trame reste parce que c’est quelque chose que j’ai en moi. L’avis de l’éditrice reste aussi très important pour moi. Ces conseils et des demandes de modification sont toujours très précieux. Ces remarques ont toujours du sens. J’ai de la chance. C’est quelqu’un d’une très grande finesse.
LPC : Quand on écrit pendant 20 jours, comme vous nous l’avez décrit tout à l’heure, d’une seule traite….comment on s’y prend ? Est-ce qu’on se relit, régulièrement ? Est-ce qu’on rature , on efface ?
RC : Je travaille sur l’ordinateur parce que la main ne va pas assez vite. J’écris et j’efface. Souvent j’écris et pendant que j’écris, j’efface ce que j’ai écrit. C’est un mouvement sans cesse répété. Quand on écrit à la main, ça a une valeur. Et la rature, c’est dur alors que lorsqu’on tape sur un ordinateur, et qu’on efface ensuite, ça n’a plus aucune existence. C’est beaucoup plus léger, et on n’a pas la culpabilité d’enlever tout un pan de sa pensée. Selon les jours, on perçoit les choses différemment, selon l’humeur, l’attention.
LPC : Vous est-il arrivé parfois de ne pas arriver à formuler une pensée, de l’effacer 10 fois avant d’arriver à le mettre en forme ?
RC : oui et dans ces cas là, je fais autre chose. S’il n’y a pas d’adéquation entre ce que je veux dire et sa formulation, cela veut dire que l’idée n’est pas bonne ou que ce n’est pas le moment. Souvent ce que j’écris, après, est bien.
LPC : Est-ce qu’il y a un état pour écrire ?
RC : Oui et non. Certains auteurs vont travailler de la même façon que des personnes qui sont au bureau : de 8 h à midi…puis vont s’arrêter pour une pause déjeuner, ou une pause footing, et vont se remettre à écrire de 14 h à 18 h…Je trouve ça admirable. Mais je serai plutôt de votre avis : l’écriture c’est un état à un moment donné. Un lieu, un temps, un état.
Je ne peux écrire que sous pression…Je suis le principe de la cocotte minute : quand on fait une soupe, on met les légumes, on ferme et puis la pression monte et il faut attendre le dernier moment pour ouvrir le tweeter..Pour l’écriture, c’est le même principe…on garde, on garde, et quand on lâche c’est que c’était le moment, que tout était cuit à point. Si on lâche trop tôt, ça manquera de cuisson.. Il m’est arrivé de me lancer trop tôt dans des romans, de commencer à écrire 30/40 pages et de m’essouffler …
LPC : Vous ne les avez jamais terminés ?
RC : Je les garde, je les reprendrais plus tard.
LPC : Vous les gardez quand même ? Cela veut dire qu’il y a quand même déjà une trame dessinée quelque part…
RC : Oui et puis c’est dur de jeter ce que l’on a écrit. Ce sont un peu des bébés pas finis. Un livre, c’est un enfant, quelque part. On l’a porté. On l’a fait. On l’a lâché aussi. Quand l’éditeur le reçoit et vous donne son aval pour le publier, quand le livre paraît, je coupe le cordon. En parler ensuite est assez étrange parce que l’autre est déjà en gestation.
LPC : C’est un peu comme quand on a deux enfants et qu’on se demande si on aimera le second de la même manière.
RC : Et en fait, on l’aime. Ce n’est pas pareil que l’enfant parce que l’enfant, on l’aime tout le temps et toujours. Le livre on l’aime tout le temps, toujours, mais il s’éloigne.
LPC : C’est comme un enfant, un enfant s’éloigne aussi. On ne fait pas un enfant pour soi.
RC : C’est vrai. Vous avez raison, finalement. Les livres c’est exactement ça. On ne les fait pas pour soi. En même temps on ne les fait pas pour les autres non plus. On les fait pour nous-mêmes.
LPC : Certainement parce que c’est aussi une façon de travailler sur soi, c’est un exutoire en quelque sorte. Dans l’histoire que l’on donne, on livre un peu de nous-mêmes.
RC : Etre publiée, c’est le rêve…mais c’est vrai qu’on y laisse des plumes. On est en danger et il faut être claire avec ce danger là. C’est fragilisant. En même temps, il faut avoir du recul. Il y a un rapport à l’image de soi, l’image que l’on veut donner à l’autre et celle que l’on renvoie. Parfois elle ne coïncide pas avec ce que l’on est réellement.
LPC : C’est aussi le combat des relations entre les gens.
RC : Voilà, c’est exactement ça.
LPC : On ne se dit pas forcément tout …mais on constamment dans le jugement.
RC : Mais c’est la vie, c’est dans autrui qu’on se forge. Il ne faut pas se perdre dans l’image que l’autre renvoie. Il faut être suffisamment solide et ça se travaille. C’est aussi pour cette raison que l’adolescence est un âge passionnant parce que cette image là n’est pas encore construite. On a tous connu ça. On construit notre image, c’est une forme douloureuse. On se perd dans l’image que les autres nous renvoient de nous, on s’élabore et c’est passionnant.
LPC : Pouvez-vous nous parler de vos ouvrages qui sortiront au mois d'octobre prochain ?
RC : « Le métier de papa ». C’est l’histoire d’un petit garçon dont le papa est en prison parce qu’il a volé…Il ne sait pas trop…Il n’en parle pas et puis il est déçu de son père. Il ne sait plus comment aimer son père parce qu’il a chu dans son estime. Il ne peut plus l’aimer. Ce livre raconte comment il va apprendre à aimer à nouveau son père, grâce au père d’une amie, Magnolia, en référence à son père qui est un sosie de Claude François. Il gagne sa vie, grâce à ça.
« Un petit bout d’enfer ». Un roman noir. Un homme de 50 ans disjoncte et enlève une jeune fille de 14 ans. Il l’amène dans la montagne noire. Comment va-t-elle s’en sortir ? Comment est-ce qu’on peut se sortir d’une telle situation à 14 ans ?
LPC : Dans vos ouvrages, vous ne laissez pas trop de place au père..Il est soit absent, soit malade, soit mourant. Est-ce que vous l’occultez volontairement ?
RC : Je ne pense pas que seul, le père, soit « absent » ou « défaillant ». Dans Shalom Salam, il est présent.
LPC : Il n’est pas mis en avant, en tout cas.
RC : Malade, mourant, oui…c’est dans une des nouvelles . Mais on peut dire ça aussi de la mère, notamment dans l’Amour vache…elle oublie sa fille à l’école. Je pense que quand on a cet âge là, on s’aperçoit que ses parents ne sont pas des héros, et grandir c’est ça : « savoir accepter la faillibilité de ses parents. Cette constatation est aussi présent dans mon dernier livre « Le métier de papa ». Il apprend à accepter la faille. C’est le plus grand acte chez un enfant : passer outre la faille.
LPC : Vous abordez aussi des thèmes comme le suicide ou l’isolement affectif, les troubles psychologiques…c’est peut-être dû à votre formation ?
RC : C’est vrai qu’à l’école on rencontre beaucoup de situations douloureuses et je m’en suis nourrie…
LPE : Quand vous êtes lancées dans l’écriture d’une histoire, est-ce que vous prenez des avis ? Est-ce que vous vous laissez inflencer ?
RC : Non. C’est « mon bébé ». Mais quand le livre est terminé, je le soumets à deux amis qui vont le lire et leurs avis vont m’importer énormément. Mais je ne modifierai pas forcément. C’est Ma sculpture.
LPC : Une fois qu’ils vous ont donné leur avis, vous ne touchez plus le texte ?
RC : Si, les phrases ou le texte qui ne sont pas clairs, je peux améliorer mais la trame reste parce que c’est quelque chose que j’ai en moi. L’avis de l’éditrice reste aussi très important pour moi. Ces conseils et des demandes de modification sont toujours très précieux. Ces remarques ont toujours du sens. J’ai de la chance. C’est quelqu’un d’une très grande finesse.
LPC : Quand on écrit pendant 20 jours, comme vous nous l’avez décrit tout à l’heure, d’une seule traite….comment on s’y prend ? Est-ce qu’on se relit, régulièrement ? Est-ce qu’on rature , on efface ?
RC : Je travaille sur l’ordinateur parce que la main ne va pas assez vite. J’écris et j’efface. Souvent j’écris et pendant que j’écris, j’efface ce que j’ai écrit. C’est un mouvement sans cesse répété. Quand on écrit à la main, ça a une valeur. Et la rature, c’est dur alors que lorsqu’on tape sur un ordinateur, et qu’on efface ensuite, ça n’a plus aucune existence. C’est beaucoup plus léger, et on n’a pas la culpabilité d’enlever tout un pan de sa pensée. Selon les jours, on perçoit les choses différemment, selon l’humeur, l’attention.
LPC : Vous est-il arrivé parfois de ne pas arriver à formuler une pensée, de l’effacer 10 fois avant d’arriver à le mettre en forme ?
RC : oui et dans ces cas là, je fais autre chose. S’il n’y a pas d’adéquation entre ce que je veux dire et sa formulation, cela veut dire que l’idée n’est pas bonne ou que ce n’est pas le moment. Souvent ce que j’écris, après, est bien.
LPC : Est-ce qu’il y a un état pour écrire ?
RC : Oui et non. Certains auteurs vont travailler de la même façon que des personnes qui sont au bureau : de 8 h à midi…puis vont s’arrêter pour une pause déjeuner, ou une pause footing, et vont se remettre à écrire de 14 h à 18 h…Je trouve ça admirable. Mais je serai plutôt de votre avis : l’écriture c’est un état à un moment donné. Un lieu, un temps, un état.
Je ne peux écrire que sous pression…Je suis le principe de la cocotte minute : quand on fait une soupe, on met les légumes, on ferme et puis la pression monte et il faut attendre le dernier moment pour ouvrir le tweeter..Pour l’écriture, c’est le même principe…on garde, on garde, et quand on lâche c’est que c’était le moment, que tout était cuit à point. Si on lâche trop tôt, ça manquera de cuisson.. Il m’est arrivé de me lancer trop tôt dans des romans, de commencer à écrire 30/40 pages et de m’essouffler …
LPC : Vous ne les avez jamais terminés ?
RC : Je les garde, je les reprendrais plus tard.
LPC : Vous les gardez quand même ? Cela veut dire qu’il y a quand même déjà une trame dessinée quelque part…
RC : Oui et puis c’est dur de jeter ce que l’on a écrit. Ce sont un peu des bébés pas finis. Un livre, c’est un enfant, quelque part. On l’a porté. On l’a fait. On l’a lâché aussi. Quand l’éditeur le reçoit et vous donne son aval pour le publier, quand le livre paraît, je coupe le cordon. En parler ensuite est assez étrange parce que l’autre est déjà en gestation.
LPC : C’est un peu comme quand on a deux enfants et qu’on se demande si on aimera le second de la même manière.
RC : Et en fait, on l’aime. Ce n’est pas pareil que l’enfant parce que l’enfant, on l’aime tout le temps et toujours. Le livre on l’aime tout le temps, toujours, mais il s’éloigne.
LPC : C’est comme un enfant, un enfant s’éloigne aussi. On ne fait pas un enfant pour soi.
RC : C’est vrai. Vous avez raison, finalement. Les livres c’est exactement ça. On ne les fait pas pour soi. En même temps on ne les fait pas pour les autres non plus. On les fait pour nous-mêmes.
LPC : Certainement parce que c’est aussi une façon de travailler sur soi, c’est un exutoire en quelque sorte. Dans l’histoire que l’on donne, on livre un peu de nous-mêmes.
RC : Etre publiée, c’est le rêve…mais c’est vrai qu’on y laisse des plumes. On est en danger et il faut être claire avec ce danger là. C’est fragilisant. En même temps, il faut avoir du recul. Il y a un rapport à l’image de soi, l’image que l’on veut donner à l’autre et celle que l’on renvoie. Parfois elle ne coïncide pas avec ce que l’on est réellement.
LPC : C’est aussi le combat des relations entre les gens.
RC : Voilà, c’est exactement ça.
LPC : On ne se dit pas forcément tout …mais on constamment dans le jugement.
RC : Mais c’est la vie, c’est dans autrui qu’on se forge. Il ne faut pas se perdre dans l’image que l’autre renvoie. Il faut être suffisamment solide et ça se travaille. C’est aussi pour cette raison que l’adolescence est un âge passionnant parce que cette image là n’est pas encore construite. On a tous connu ça. On construit notre image, c’est une forme douloureuse. On se perd dans l’image que les autres nous renvoient de nous, on s’élabore et c’est passionnant.
Re: Rachel Corenblit
Reportage sur l'atelier théâtre organisé par le centre de loisirs du Cabirol en partenariat avec la direction des affaires culturelles de la Mairie de Colomiers.
Mise en scène du livre de Rachel Corenblit "Lili la Bagarre" dirigé par Marc Fauroux, membre de la Companie Paradis Eprouvette.
Images / Montage : Sam Toppan (BlueCut Production)
Mise en scène du livre de Rachel Corenblit "Lili la Bagarre" dirigé par Marc Fauroux, membre de la Companie Paradis Eprouvette.
Images / Montage : Sam Toppan (BlueCut Production)
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